Cette recherche de psychologues et de gérontologues de la Weill Cornell Médecine (New York) révèle à quel point les aidants à domicile, qu’ils soient naturels et familiaux, ou professionnels, supportent un fardeau mental et émotionnel considérablement élevé. La recherche publiée dans JAMA Network Open et basée sur les conclusions de nombreuses autres études récentes, sensibilise notamment aux risques de stress, d’isolement et de solitude aussi, ainsi qu’à la prévalence des symptômes dépressifs, chez les aidants. Les experts proposent aussi de donner aux aidants, par une formation au coaching notamment, de vraies perspectives à la fois personnelles et professionnelles.
C’est donc un appel, documenté, au développement d’interventions permettant de mieux soutenir et prendre soin aussi des aidants, qui, s’ils jouent un rôle croissant dans la « fourniture » de soins personnels et médicaux et de soutien émotionnel, à leurs proches suivis à domicile, font face à des risques similaires pour leur propre santé. Ainsi, aux seuls États-Unis, on observe un « tsunami » concernant le nombre de personnes qui ont besoin de soins à domicile et plus de 800.000 personnes âgées sont sur listes d’attente pour des soins d’aide à domicile avec des attentes d’aide et de soutien qui peuvent durer des années.
Une « main-d’œuvre » négligée et sous-évaluée mais de plus en plus vitale : on estime que d’ici 2050 le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus devrait doubler dans le monde, passant de 700 millions de personnes en 2020 à 1,5 milliard d’individus d’ici 2030, la majorité de ces personnes souhaitant vieillir à domicile. Les soins de santé à domicile (SAD) présentent également l’avantage d’être moins coûteux que les soins en institution.
Un aidant sur 5 « crie au secours »
De précédentes recherches ont révélé que plus de 25 % des aidants ont un état de santé général passable ou mauvais, et 20 % développent des troubles de la santé mentale. La pandémie de COVID a notamment contribué à aggraver ce fardeau de santé mentale. En pratique, les aidants lorsqu’ils sont professionnels, reçoivent un salaire horaire légèrement supérieur au salaire minimum et ont très peu d’avantages sociaux pourtant leurs conditions de travail sont difficiles et isolantes.
L’un des auteurs principaux, le Dr Madeline Sterling, professeur agrégé de médecine au Weill Cornell Medicine note que « s’il s’agit de répondre au souhait croissant des patients âgés de vieillir chez eux, si les aidants jouent un rôle clé dans le bien-être des patients et des personnes âgées, il faut également soulager les aspects de leur travail qui affectent leur humeur et leur niveau de stress. Il existe des interventions qui peuvent contribuer à préserver leur santé mentale ».
L’étude, qualitative, est menée par entretiens avec une trentaine d’aidants diagnostiqués avec un risque élevé de mauvaise santé mentale. Ces entretiens ont permis de faire émerger les thèmes principaux de préoccupation, concernant cette fois, la santé des aidants familiaux :
- la manière dont les interactions avec les patients et leurs familles peuvent affecter l’humeur, de manière à la fois positive et négative ;
- les attitudes des aidants eux-mêmes, à l’égard de leur santé mentale et de leur bien-être personnels ; dans certains cas, cette préoccupation de l’aidant, pour sa propre santé, semble entraîner jusqu’à une stigmatisation, parfois en raison de facteurs culturels ;
- les mécanismes d’adaptation mis en œuvre par les aidants eux-mêmes ;
- l’accès à des services de soutien, dont des programmes « communautaires » ou de groupe, qui les rapprochent de leurs homologues.
Des réponses possibles : les experts documentent les moyens de relever ces défis, en particulier,
- en augmentant les salaires et les avantages sociaux ;
- en élargissant l’accès des aidants aux services de soutien et de soins en santé mentale ;
- en développant les programmes de coaching en groupe, et organisés par les pairs ; ces programmes devraient inclure les questions liées à l’humeur et au stress ;
- en améliorant aussi la sécurité de l’aidant sur le lieu de travail, c’est-à-dire au domicile de la personne aidée, dans certains cas démente ;
- en travaillant sur les facteurs de mode de vie de l’aidant, et en favorisant des comportements sains ;
- en favorisant chez chaque aidant l’acquisition de compétences en coaching, ce qui permettrait à chacun de devenir maître de son propre exercice, plus largement de valoriser la pratique et la profession d’aidant,
- de mettre en œuvre une évolution de carrière dans la profession, en santé à domicile ou en institution, enfin de former de nouvelles générations d’aidants, dont la société aura indiscutablement besoin.
Les recherches doivent se poursuivre pour tester et mettre en œuvre ces interventions, cependant ce bilan ouvre une nouvelle perspective de reconnaissance, d’évolution et de meilleure qualité de vie pour les aidants, qu’ils soient naturels ou professionnels.
Sources:
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Cette actualité a été publiée le 9/09/2024 par Équipe de rédaction Santélog