Première rencontre des aidants : La mémoire
Ce lundi 3 octobre 2022 s’est tenue la première rencontre des aidants dans les locaux de l’association. Cet instant, ouvert aux aidants familiaux et professionnels, fût l’occasion de faire le point sur LA mémoire dans un premier temps. La seconde séquence s’axait autour du partage d’expériences. Vous trouverez ci-dessous le texte introductif de Madame GUIMELCHAIN-BONNET.
Nous espérons organiser une seconde rencontre avant la fin de l’année. Le thème n’est pas encore défini. Si vous avez des idées, écrivez nous : direction@associationgerontologie11.fr
« Mémoire d’éléphant ou trou de mémoire, quels sont les mécanismes à l’œuvre pour expliquer la mémoire et comprendre ses troubles ?
La mémoire est l’une des grandes fonctions psychiques.
La mémoire est inséparable de la conscience de soi, indissociable de l’imagination et elle assure l’unité du moi, c’est à dire du sujet.
La mémoire est souvent évoquée lorsqu’elle vient à manquer. Pourtant on peut l’étudier de façon positive : la mémoire est la capacité d’évoquer des souvenirs et celle de conserver des informations. Les souvenirs, proches ou lointains, sont enregistrés, conservés et restitués grâce à la mémoire.
L’étude de la mémoire remonte à l’Antiquité, mais elle n’a pris tout son essor scientifique qu’à partir de la toute fin du XIXe siècle, avec les progrès de la psychophysiologie et des différentes techniques d’enregistrement de l’activité cérébrale. Aujourd’hui, on s’intéresse plus particulièrement aux structures nerveuses qui jouent un rôle dans la mémoire.
Les chercheurs en sciences humaines, comme les psychanalystes, se préoccupent de la mémoire. De même, philosophes, écrivains et poètes se sont intéressés à cette fonction. A certains égards, les historiens sont à leur façon aussi des gardiens de la mémoire. Enfin, les politiques font cas, eux aussi, de la mémoire collective, en particulier à travers ce que l’on nomme aujourd’hui le devoir de mémoire.
La mémoire épisodique : se rappeler de ce qu’on a fait la veille, le rendez-vous chez le dentiste ou l’anniversaire d’un ami sont des souvenirs personnels et autobiographiques pour lesquels le contexte de mémorisation est extrêmement important.
La mémoire sémantique : dans le même temps, la connaissance des règles de grammaire, le nom des capitales des pays du mondes ou la connaissance des objets et de leur utilité représente un savoir général pour lequel le contexte de mémorisation a peu d’importance. Bien que ce savoir ait initialement été un savoir épisodique, il s’est transformé en savoir sémantique puisque le contexte de mémorisation temporel et spatial a été oublié. Ce type de connaissances appartient à la mémoire sémantique qui nous permet de facilement énoncer des noms de fleurs ou donner le mot qui correspond à telle définition.
La mémoire implicite : en même temps que ces éléments de la mémoire « explicite », qui correspondent à une recherche volontaire et consciente de l’information mémorisée, il existe également un mode automatique pour récupérer les données stockées. Dans ce cas, des mécanismes de la mémoire « implicite » sont sollicités, qui regroupent par exemple tous les savoir-faire tels que jouer au piano, faire du vélo, conduire une voiture, etc. Ce sont des choses que nous faisons automatiquement mais qui malgré tout font appel à des connaissances que nous avons accumulées dans notre mémoire procédurale (savoir que positionner ses mains de telle façon va rendre tel son sur le piano ou qu’appuyer sur telle pédale va faire ralentir la voiture).
Les psychologues ont étudié les mécanismes d’enregistrement, de stockage et de récupération de l’information. Ils ont décrit deux mémoires différentes.
— La mémoire immédiate est la reconstitution des faits d’un passé récent
— La mémoire différée est la reconstitution d’un plus lointain passé.
De plus, ils ont mis en évidence les caractéristiques propres à la mémoire humaine, c’est à dire ses aspects affectifs et sociaux. On parle parfois de mémoire affective ou de mémoire émotionnelle.
Les biologistes considèrent que « les cellules et les tissus sont capables de mémoire, d’une mémoire élémentaire mais réelle, qui comporte des phénomènes aussi variés que l’immunisation ou l’accoutumance aux drogues. […] La mémoire du système nerveux permet des acquisitions complexes qui dépendent de conditionnements et d’apprentissages. Ce sont les acquisitions qui se rattachent à nos habitudes comme marcher, manger ou conduire un véhicule. ». La rétention à long terme c’est à dire la conservation des souvenirs est améliorée par le nombre de répétitions : c’est ce qu’on appelle l’apprentissage par cœur. En outre, si la personne est motivée et si les contenus des souvenirs sont forts (agréables ou pas), la rétention est meilleure.
Les cliniciens, médecins et neuropsychologues, étudient les troubles de la mémoire ainsi que leurs conséquences sur la vie quotidienne des personnes atteintes.
Les maladies de la mémoire se caractérisent du point de vue du sujet par un oubli ou par une difficulté à retenir, parfois aussi par une difficulté d’apprentissage et de rappel des informations. Il est très difficile d’apprécier objectivement les difficultés d’une personne à apprendre ou à redonner les informations. Des épreuves spécifiques sont donc utilisées pour faire cette évaluation. C’est ce que l’on nomme les tests de mémoire. Ils sont évidemment très différents des petits jeux des magazines (appelés test abusivement).
Les troubles de mémoire peuvent être isolés mais ils peuvent aussi être associés à d’autres troubles cognitifs[1].
Le public pense toujours aux démences quand il existe un trouble de la mémoire. En fait, bien d’autres causes peuvent être à l’origine de ce trouble. Des lésions peuvent l’expliquer et parfois un état psychologique perturbé. Un sommeil de mauvaise qualité provoque une mémoire défaillante, un état dépressif sévère aussi. Il n’est possible de parler de maladie dégénérative de type Alzheimer que quand plusieurs troubles sont associés (mémoire, humeur, sommeil, etc.).
Dans la pratique soignante, un trouble de mémoire inattendu peut avoir valeur de symptôme. Il convient donc de le signaler au médecin voire au neurologue. Chez les personnes âgées ou malades, la mémoire est volatile, elle semble parfois fragile.
C’est pourquoi il est souvent préférable de ne pas insister face à quelqu’un qui ne se souvient plus… Surtout, ne pas faire du rappel du souvenir un enjeu de pouvoir ! Nombreuses sont les personnes dont la mémoire est défaillante qui s’en plaignent et disent comme elles se sentent diminuées. L’insistance pourrait mettre mal à l’aise la personne sans pour autant l’aider. Par contre, on sait aujourd’hui que la stimulation des personnes atteintes de maladies dégénératives peut ralentir un peu l’évolution péjorative des troubles. Dans les EHPAD[2], cette stimulation a souvent lieu dans des « ateliers mémoire », parfois animés par des aides-soignants. On y fait des jeux simples à propos des informations vues à la TV, des rappels de mots au cours de petits exercices, de calcul mental. Quand cela est possible, on peut donner aux personnes dont la mémoire est très défaillante, des indices qui vont déclencher la capacité de rappel. Les indices sont divers, la première lettre du mot recherché, le nom d’une personne impliquée dans le souvenir… Ainsi les mots qu’elles cherchent leur reviennent. Ce qui compte alors beaucoup est la satisfaction affective de retrouver le souvenir.«
[1] qui a trait à l’intelligence comme capacité d’apprendre
[2] établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes